Autour de la méthode

La Méthode Rosen, un art du Toucher

Par C. Masnata pour Recto-Verso, septembre 2011

La Méthode Rosen, un art du Toucher

Sentir l’unité intérieure

Les mains de la praticienne me touchaient avec douceur et assurance, pratiquement sans mouvements. J’étais allongée sur une table de massage. Une vague m’a traversée ; j’ai éprouvé tout à la fois une profonde tristesse et une immense joie, une émotion unique, un sentiment d’être complétement là, tellement vivante ! C’était ma première expérience de la Méthode Rosen, il y a une vingtaine d’années. Je participais à un cours d’introduction de deux jours, à l’issue duquel la question de savoir qui serait intéressé à suivre une formation, a été posée. Ma main s’est levée. Cinq ans plus tard, j’étais praticienne diplômée.

L’expérience de l’enfant

Il y a quelques semaines, je cheminais au bord d’une route. Un ballon bleu, en forme de cœur s’envolait vers le sommet des sapins. Un groupe de cyclistes faisait une pause dans la montée ; Un enfant, calé dans un siège fixé sur l’un des porte-bagages, pleurait, hurlait même. Un adulte, debout à proximité du vélo, d’une voix solide, forte : « …il y en aura d’autres ! ». Le présent de l’enfant, sa détresse. Le futur raisonné de l’adulte. Entre ces deux êtres, aucune main, aucun bras, qui auraient pu accueillir ce petit corps secoué de sanglots, aune voix qui aurait pu dire, doucement : « Tu es si, si triste d’avoir perdu ton ballon… ». L’enfant continuait de pleurait, en agitant ses bras, sans rien pouvoir toucher d’autre que les barres de métal du siège dans lequel il était attaché.

Combien de fois cet enfant va-t-il vivre ce genre d’expérience ? Selon le comportement de l’entourage, il se peut qu’il renonce à pleurer, qu’il préfère retenir ses larmes et ses cris, qu’il choisisse de rester silencieux et immobile. Il deviendra alors l’enfant sage et raisonnable, apprécié pour ces qualités. Il se retiendra de pleurer, de bouger,de manifester ses émotions.

L’é-motion, un mouvement du corps

Ravaler ses larmes, retenir un cri, se taire, se forcer à rester tranquille sont des attitudes qui nécessitent un effort musculaire. Si cet effort doit se répéter de jour en jour, le corps prends l’habitude d’être tendu, les crispations deviennent chroniques, l’enfant se construit par rapport à son entourage. Devenu adulte, il ne sent pas que son corps est tendu, il a sa personnalité, sa manière d’être, de bouger, de s’exprimer.

Il se peut qu’un jour, l’adulte ne se sente pas satisfait de sa vie, de ses relations, de son état de santé. Des douleurs physiques entravent ses mouvements, il s’accommode mal du stress, au travail, à la maison. Il aimerait changer quelque chose dans sa vie, sans savoir quoi, ni comment. Une séance de la Méthode Rosen peut être l’occasion d’entrouvrir une porte, de sentir ce qui se passe en lui.

Toucher, présence, ouverture

Celui qui reçoit une séance de la Méthode Rosen est allongé sur une table de massage. Pendant toute la durée de la séance -de cinquante minutes- il va sentir les mains du praticien, se déplaçant lentement à différents endroits du corps, s’arrêtant parfois plus longuement à un endroit ou un autre. De temps en temps, le praticien fait part de ce qu’il observe, ou pose une question. La qualité du Toucher induit une détente profonde, un état de réceptivité qui permet à la personne allongée sur la table de massage de prendre conscience de ses sensations et sentiments. Les mains du praticien« écoutent », suivent le processus intérieur, rendu visible par les modifications du mouvement de la respiration, de la coloration de la peau et de l’état de détente ou de tension des muscles contactés. Lorsque les tensions s’atténuent, un souvenir, une émotion peuvent émerger. En fin de séance, la respiration est généralement calme, ample, profonde.

L’attention porté au mouvement de la respiration tout au long de la séance est une clé de ce travail. Ce mouvement est entravé par les barrières musculaires qui se sont formées entre la naissance et l’âge adulte,au fur et à mesure des expériences vécues de l’enfant. Il ne s’agit pas de casser cette barrière, qui constitue le système de défense de l’adulte, mais de faire en sorte qu’elle puisse, par moments, s’entrouvrir, en respectant le rythme du processus du client.

Relation à soi, relation aux autres

Toute personne adulte intéressée par l’intériorité, la connaissance de soi, le lien entre la détente du corps et l’accès aux émotions,la communication interpersonnelle pourra profiter de l’expérience de l Méthode Rosen. Cette pratique est en particulier utile en complément à une psychothérapie -l’accès aux contenus inconscients, puis leur intégration à la conscience s’en trouve facilitée : « J’ai compris cela au cours de la psychothérapie, maintenant je le sens » disent souvent les personnes concernées. Le Toucher selon la Méthode Rosen, par la détente qu’il procure,est également utile au traitement des douleurs -qui, si le lien avec une attitude psychique est reconnu, peuvent disparaître durablement. Une douleur de dos ou d’épaule peut cacher le poids de responsabilités données trop tôt dans la vie d’un enfant, par exemple. Lorsque l’élément inconscient à l’origine d’une douleur ou d’une difficulté psychique devient conscient, la personne n’en est plus victime, elle a le choix. Un adulte peut refuser de porter des responsabilités trop lourdes pour lui, ou choisir ses engagements en fonction du degré de stress qu’il est d’accord de supporter. Lorsqu’il est enfant, il n’avait pas le choix.

Marion Rosen est née en 1914, à Nuremberg, en Allemagne. A vingt-quatre ans, elle s’embarque toute seule pour les Etats-Unis et s’installe à Berkeley, en Californie -où elle vit et pratique encore actuellement-. Pendant de nombreuses années, elle exerce la physiothérapie et soigne les blessés de guerre. Elle remarque que les patients qui parlent du vécu de leur accident ou blessure guérissent plus rapidement que les autres. Elle raconte : « …J’ai commencé…à dire des choses à mes patients et cela faisait une grande différence. C’est ainsi que l’aspect verbal de mon travail était intéressant et que celui-ci a sérieusement commencé. »(Citée par Elaine L. Mayland, Ph.D., La Méthode Rosen, traduction française, Edition Mon Village, 2000, Page 23).

Les premières personnes formées par Marion Rosen ont créé leRosen Institute (en 1983), à Berkeley, organisme établissant les règles communes à tous les centres de la Méthode Rosen existant dans le monde. La formation professionnelle comprend notamment la participation à des stages de plusieurs jours, en groupe, ouverts également à tout amateur. Ces cours donnent l’occasion de recevoir le Toucher sous la forme spécifique à la méthode, mais aussi de le donner, de le pratiquer soi-même. Les cours de plusieurs jours comprennent en outre des moments de partage verbal ainsi que des temps de « Mouvements Rosen » en musique, moments ludiques complétant agréablement le travail sur les tables de massage.

Simplement être soi

Marion Rosen exprime ainsi le but de ce travail : « …Je dirai qu’il s’agit juste de vous faire connaître votre réalité intérieure, vous amener à être en contact avec la personne que vous êtes réellement, vous amener à prendre conscience de la manière dont vous vous montrez, de ce que vous jouez à être. Au fur et à mesure que vous entrez dans cette expérience, que vous vous rendez compte des personnages que vous jouez, que vous en laissez tomber une partie, vous découvrez que, au de-delà de cela il y a autre chose, qui est vraiment vous. » (cit. E. Mayland page 60)